Pourquoi inviter la nature dans votre jardin ?
Les pollutions, l’urbanisation, les équipements routiers, les remembrements ont provoqué une érosion accélérée de la biodiversité et une banalisation des paysages. Les milieux naturels se sont réduits comme peau de chagrin, des plantes, des animaux disparaissent. Si la vie sauvage dispose de quelques havres de paix relatifs sous la forme? de parcs (nationaux, naturels régionaux) ou encore de réserves naturelles régionales, etc. cela ne représente pas plus de 1,32 % du territoire national pour les réserves strictes et 15 % avec l’ensemble des parcs (moins de 8 millions d’hectares dont 7 pour les parcs régionaux).
Comment inviter la nature dans votre jardin ?
En créant une mosaïque d’habitats? sauvages proches de l’environnement local.
Pour rendre votre jardin plus attrayant pour la faune et la flore sauvage, il est important de diversifier les habitats. Ces derniers seront représentatifs de l’environnement local (il n’est pas question de recréer une tourbière chez soi lorsqu’on habite au cœur d’une ville) et seront choisis et installés selon la nature du sol et son degré d’humidité et selon l’ensoleillement du jardin. Des végétaux régionaux seront plantés et l’emploi des pesticides bannis.
Les habitats du jardin naturel
La haie champêtre, ou non
Elle est à préférer à la triste haie de thuyas, elle est pluri-spécifique, attire une foule d’animaux (oiseaux, insectes, mammifères…), vit au rythme des saisons en changeant de couleur. On y trouve des fruits? pour soi ou pour les oiseaux, des plantes médicinales et/ou culinaires. Elle protège du vent et de ses méfaits, limite l’érosion, le dessèchement et la dissémination des parasites?, protège des températures extrêmes, régule le cycle de l’eau…
Les grands types :
– la haie basse taillée : vous la constituerez souvent d’une seule essence indigène (charme, hêtre, érable champêtre, aubépine, orme) poussant sur une seule tige? (donc, pas de noisetier, cornouiller, forsythia). Ce peut être aussi du lierre sur un grillage. Cette haie est la moins riche du point de vue biologique (pas de fleur?, pas de fruit sauf pour l’aubépine). Pour espérer une haie dense, il vous faudra prendre plusieurs années en la taillant basse pour l’épaissir, puis en remontant la taille chaque année jusqu’à la hauteur désirée. Une haie plantée directement à la hauteur désirée se dégarnira rapidement de la base.
– la haie libre? : vous planterez à intervalles plus lâches que dans la précédente, les arbustes de la haie libre, que vous taillerez sévèrement un an après la plantation afin de favoriser leur ramification au plus près du sol. Vous n’aurez plus ensuite qu’une taille d’entretien de temps à autre. les végétaux pourront ainsi se développer sans contrainte, produire fleurs et fruits et offrir aux insectes et aux oiseaux nicheurs l’abri indispensable dont ils ont besoin. Vous rechercherez pour ces haies les végétaux les plus favorables à la faune sauvage. Elles seront maintenues à une hauteur comprise entre deux et quatre mètres selon l’effet recherché (brise-vue, brise-vent), et en fonction de la taille du jardin. Le haie libre est généralement plantée en quinconce sur deux rangs, elle pourra aisément se transformer en petite bande boisée ou en bosquet si vous multipliez le nombre de rangs tout en disposant les arbustes de petite taille à l’extérieur comme pour les lisières des bois.
– la haie bi?-strate : il s’agit d’une haie taillée ou d’une haie libre basse dans laquelle vous aurez régulièrement planté des arbustes de plus grand développement : arbres fruitiers haute tige, arbres têtards…
– la haie arborée : écologiquement parlant, la plus riche des haies. Sa structure est proche des grands haies bocagères. Tous les étages de végétation y sont présents : arbres de 1re et de 2e grandeur, arbustes, arbrisseaux, lianes et plantes herbacées?. Bien entendu, votre jardin ne peut s’accommoder de ce type de haies que s’il est très grand.
– Les arbres (isolés ou dans les haies précédentes) : bouleaux, saules, peupliers, aulnes sont les plus riches en espèces? d’insectes, suivi des chênes et des érables. Ils sont donc à privilégier en sachant que les bouleaux sont pourtant à éviter car leur pollen? est très allergisant/allergène.
Les haies libres — donc irrégulières? — réduisent le vent de 50-75 % sur une distance égale à 5-7 fois leur hauteur et de 30-50 % sur l’équivalent de 15 fois leur hauteur.
Les distances légales de plantation entre 2 fonds privés (art. L671 du code civil) sont de :
— à 2 m minimum du fond voisin, lorsque les arbres dépassent 2 m de haut.
— à 50 cm minimum du fond voisin, lorsque les arbres ne dépassent pas 2 m de haut.
Le propriétaire du fond voisin peut donc vous contraindre de rabattre votre haie à 2 m de hauteur si elle dépasse et est implantée à moins de 2 m de son fond. Ce recours n’est possible que durant les 30 ans qui suivent la plantation de la haie (plus précisément, il faut compter 30 ans à partir du moment où la jeune haie dépasse 2 m de hauteur). Il s’agit de la prescription trentenaire.
La pelouse? fleurie
En laissant pousser votre traditionnelle pelouse rase tout le printemps et en ne la tondant qu’au début de l’été vous permettez aux véroniques, mourons, cardamines, pâquerettes, liondents, brunelles et autres de fleurir puis de monter en graine. Vous obtenez ainsi une pelouse colorée? de violet, rouge, blanc, jaune qui attire insectes et oiseaux…
Une telle pelouse a sa place dans les zones les moins fréquentées, en périphérie de la pelouse rase, loin de votre salon de jardin et de votre hamac.
La prairie fleurie
L’origine et le maintien des prairies sont dus à l’homme. Quand il s’est mis à déboiser pour la culture et l’élevage, l’homme a créé des milieux ouverts, le pâturage et le fauchage ont empêché la réinstallation naturelle du ligneux et donc ont permis à une végétation prairiale de se maintenir. La prairie est un milieu riche en espèces, sa composition varie en fonction de la nature du sol. Suite à l’exploitation agricole, ces milieux naturels ont aujourd’hui quasiment disparu ou ont été trop enrichi limitant de ce fait la diversité végétale au profit des plantes les plus performantes.
La mare
Les eaux peu profondes constituent une grande ressource pour la vie sauvage. Votre mare, plantée de massettes, de roseaux, d’iris attirera une foule d’animaux. Peut-être aurez-vous la plaisir de voir une libellule passer ou un héron venir se reposer avant de reprendre son chemin.
Les bordures et parterres fleuris
Les plantes sauvages que vous y installerez n’auront rien à envier aux variétés horticoles. Annuelles?, bisannuelles ou vivaces?, de couleur rouge, jaune, blanche, bleue ou violette, l’effet esthétique est garanti. Mais, avant tout, ce sont des plantes locales qui ont un intérêt écologique. Parmi ces plantes, le cabaret des oiseaux (cardère), le bouillon blanc, l’épilobe en épi?, la mauve musquée, le silène enflé. Penser aussi aux floraisons automnales (asters, hélianthes, bulbes? d’automne, etc.) malheureusement peu locales (hors le lierre, très utile même si peu spectaculaire).
La centre botanique national de Bailleul propose des graines d’espèces sauvage, notamment : salsifis des prés, grande marguerite, vulnéraire, hélianthème jaune, petite pimprenelle, digitale pourpre, primevère officinale. Voir la page du CBNb, sur :
http://www.cbnbl.org/nos-services/article/Bibliotheque-de-graines-472
Les plantes grimpantes?
En habillant votre maison de plantes grimpantes, non seulement vous la protégerez des intempéries mais en plus vous offrirez gite et couvert aux merles, rouge-gorge? et autres oiseaux insectivores?. Vous leur permettrez, avec des plantes au feuillage persistant?, de passer l’hiver plus facilement.
La rocaille
C’est le milieu sec et pauvre par excellence qui est colonisé par des espèces végétales de petite taille en général, qui fleurissent abondamment et qui sont très fécondes. Un tel milieu peut être un muret, un talus calcaire, un ensemble de rochers disposés de façon naturelle, un mélange cailloux-terre végétale… Les plantes qui conviennent le mieux sont l’orpin âcre, l’orpin blanc, le thym et l’origan pour les aromatiques, le millepertuis perforé, la linaire cymbalaire dans les coins d’ombre, le géranium herbe à Robert, la chélidoine… La rocaille « alpine », elle, n’est pas un tas de terre avec un peu de cailloux pour décorer mais plutôt un tas de cailloux avec très peu de terre où les plantes doivent peiner à s’épanouir.
Le coin à herbe folle
Il est constitué de plantes dites pionnières qui apparaissent sur un sol dénudé, qui produisent beaucoup de graines et qui par leur croissance et leur capacité à émettre de nouvelles poussent à partir de leurs racines peuvent devenir envahissantes. Dans un jardin traditionnel, elles sont vos « mauvaises herbes » si indésirables. Cependant, elles vous attireront de nombreux insectes et oiseaux. Elles ont un rôle important dans le jardin naturel, c’est le cas notamment de l’ortie.
Le sous-bois
Habitat d’ombre organisé en trois strates : la strate arborée (chêne, hêtre, bouleau…), la strate arbustive (cerisier à grappes?, viorne, cornouiller…) et la strate herbacée (jacinthe, anémone des bois, primevère…). Les arbres et arbustes sont plantés jeunes (2-3 ans d’âge), après quelques années, lorsqu’ils seront bien vigoureux, vous pourrez songer aux plantes grimpantes qui monteront le long des troncs (le lierre par exemple).
Petites astuces
Que vous ayez ou non un grand jardin, vous pouvez y améliorer la qualité de l’accueil de la vie sauvage avec des petites astuces : des nichoirs artificiels si vous ne disposez pas d’arbres creux (saule têtard par exemple), on distingue les nichoirs à oiseaux, les gites à chauve-souris, à insectes ; des mangeoires ; un point d’eau (bassine, cuvette…), à défaut d’une mare ; un tas de bois placé dans le sous-bois ou dans la prairie pour accueillir un oiseau comme le troglodyte ; un arbre? mort laissé sur pied s’il ne présente pas de problèmes de sécurité ; les pains de graisse, brochettes de cacahuètes pour nourrir les oiseaux lors d’hivers rudes? ; un muret végétalisé dont une pierre manquante à la base fournira un abri au hérisson. Vous pouvez aussi avoir la prudence de mettre une clochette sur vos chats (certes le chat n’aime pas cette clochette mais pas plus que l’oiseau n’aime être capturé par le chat).
Favorisez les végétaux régionaux
La vie animale d’une région donnée dépend des plantes locales.
L’adaptation au climat qui peut varier et aux maladies est plus facile pour les plantes locales à la génétique diversifiée et qui ont survécu aux changements climatiques passés.
Évitez l’emploi des pesticides
Le plan Écophyto 2018 prévoit de réduire, d’ici 2018, de moitié l’usage des produits phytosanitaires, et de retirer du marché certaines préparations contenant les 53 substances actives les plus préoccupantes, dont 30 sont déjà interdites.
Vous laisserez donc la nature faire son travail en lui permettant de trouver son équilibre. Vous pouvez toutefois utiliser les méthodes douces naturelles : lutte biologique (coccinelle…), purins et décoction végétales.
Biodiversité dans le bâti
Le bâti lui-même peut être un support de biodiversité : pensez aux oiseaux et autres animaux hébergés autrefois dans les greniers, étables, granges et fenils. Le label HQE (Haute Qualité Environnementale) du bâtiment qui proposait 14 cibles depuis 1996 a parfois été sollicité pour reconnaitre une 15e cible dédiée à la biodiversité. La réforme de son cadre de référence (5 principes, 4 engagements et 12 objectifs) en 2015 a donné pour objectif n° 6 (l’un des 3 objectifs de l’ « Engagement pour le respect de l’environnement ») : « Une prise en compte de la nature et de la biodiversité » [1].
Quelques liens web :– 15e cible HQE https://fr.wikipedia.org/wiki/Quinzième_cible_HQE
Claude Delattre