Accueil > brèves de la drève > La biodiversité en ville, c’est d’abord inviter la nature dans son jardin

La biodiversité en ville, c’est d’abord inviter la nature dans son jardin

dimanche 21 juin 2015

La France compte plus d’un million d’hectares de jardins privés. Cette surface non négligeable ne peut certes pas répondre à toutes les attentes liées à la conservation de la biodiversité mais peut participer au bien-être de nombreuses espèces? animales et végétales et avoir un rôle complémentaire à celui d’une réserve naturelle. Si votre jardin ne devient pas un site remarquable où des oiseaux nicheront, où des plantes rares auront trouvé refuge, il pourra cependant s’intégrer dans un réseau de corridors écologiques (biologiques) et servir de relais entre deux milieux naturels permettant le déplacement des espèces, vital pour leur maintien.

Les végétaux préconisés : voir la page « Nature (campagne) en ville ».



Pourquoi inviter la nature dans votre jardin ?

Les pollutions, l’urbanisation, les équipements routiers, les remembrements ont provoqué une érosion accélérée de la biodiversité et une banalisation des paysages. Les milieux naturels se sont réduits comme peau de chagrin, des plantes, des animaux disparaissent. Si la vie sauvage dispose de quelques havres de paix relatifs sous la forme? de parcs (nationaux, naturels régionaux) ou encore de réserves naturelles régionales, etc. cela ne représente pas plus de 1,32 % du territoire national pour les réserves strictes et 15 % avec l’ensemble des parcs (moins de 8 millions d’hectares dont 7 pour les parcs régionaux).

Comment inviter la nature dans votre jardin ?

En créant une mosaïque d’habitats? sauvages proches de l’environnement local.

Pour rendre votre jardin plus attrayant pour la faune et la flore sauvage, il est important de diversifier les habitats. Ces derniers seront représentatifs de l’environnement local (il n’est pas question de recréer une tourbière chez soi lorsqu’on habite au cœur d’une ville) et seront choisis et installés selon la nature du sol et son degré d’humidité et selon l’ensoleillement du jardin. Des végétaux régionaux seront plantés et l’emploi des pesticides bannis.

jardin naturel avec tonte différenciée

Les habitats du jardin naturel

La haie champêtre, ou non

Elle est à préférer à la triste haie de thuyas, elle est pluri-spécifique, attire une foule d’animaux (oiseaux, insectes, mammifères…), vit au rythme des saisons en changeant de couleur. On y trouve des fruits? pour soi ou pour les oiseaux, des plantes médicinales et/ou culinaires. Elle protège du vent et de ses méfaits, limite l’érosion, le dessèchement et la dissémination des parasites?, protège des températures extrêmes, régule le cycle de l’eau…

Les grands types :
– la haie basse taillée : vous la constituerez souvent d’une seule essence indigène (charme, hêtre, érable champêtre, aubépine, orme) poussant sur une seule tige? (donc, pas de noisetier, cornouiller, forsythia). Ce peut être aussi du lierre sur un grillage. Cette haie est la moins riche du point de vue biologique (pas de fleur?, pas de fruit sauf pour l’aubépine). Pour espérer une haie dense, il vous faudra prendre plusieurs années en la taillant basse pour l’épaissir, puis en remontant la taille chaque année jusqu’à la hauteur désirée. Une haie plantée directement à la hauteur désirée se dégarnira rapidement de la base.
– la haie libre? : vous planterez à intervalles plus lâches que dans la précédente, les arbustes de la haie libre, que vous taillerez sévèrement un an après la plantation afin de favoriser leur ramification au plus près du sol. Vous n’aurez plus ensuite qu’une taille d’entretien de temps à autre. les végétaux pourront ainsi se développer sans contrainte, produire fleurs et fruits et offrir aux insectes et aux oiseaux nicheurs l’abri indispensable dont ils ont besoin. Vous rechercherez pour ces haies les végétaux les plus favorables à la faune sauvage. Elles seront maintenues à une hauteur comprise entre deux et quatre mètres selon l’effet recherché (brise-vue, brise-vent), et en fonction de la taille du jardin. Le haie libre est généralement plantée en quinconce sur deux rangs, elle pourra aisément se transformer en petite bande boisée ou en bosquet si vous multipliez le nombre de rangs tout en disposant les arbustes de petite taille à l’extérieur comme pour les lisières des bois.
– la haie bi?-strate : il s’agit d’une haie taillée ou d’une haie libre basse dans laquelle vous aurez régulièrement planté des arbustes de plus grand développement : arbres fruitiers haute tige, arbres têtards…
– la haie arborée : écologiquement parlant, la plus riche des haies. Sa structure est proche des grands haies bocagères. Tous les étages de végétation y sont présents : arbres de 1re et de 2e grandeur, arbustes, arbrisseaux, lianes et plantes herbacées?. Bien entendu, votre jardin ne peut s’accommoder de ce type de haies que s’il est très grand.
– Les arbres (isolés ou dans les haies précédentes) : bouleaux, saules, peupliers, aulnes sont les plus riches en espèces? d’insectes, suivi des chênes et des érables. Ils sont donc à privilégier en sachant que les bouleaux sont pourtant à éviter car leur pollen? est très allergisant/allergène.

Les haies libres — donc irrégulières? — réduisent le vent de 50-75 % sur une distance égale à 5-7 fois leur hauteur et de 30-50 % sur l’équivalent de 15 fois leur hauteur.

Les distances légales de plantation entre 2 fonds privés (art. L671 du code civil) sont de :
— à 2 m minimum du fond voisin, lorsque les arbres dépassent 2 m de haut.
— à 50 cm minimum du fond voisin, lorsque les arbres ne dépassent pas 2 m de haut.
Le propriétaire du fond voisin peut donc vous contraindre de rabattre votre haie à 2 m de hauteur si elle dépasse et est implantée à moins de 2 m de son fond. Ce recours n’est possible que durant les 30 ans qui suivent la plantation de la haie (plus précisément, il faut compter 30 ans à partir du moment où la jeune haie dépasse 2 m de hauteur). Il s’agit de la prescription trentenaire.

aubépine en floraison

La pelouse? fleurie

En laissant pousser votre traditionnelle pelouse rase tout le printemps et en ne la tondant qu’au début de l’été vous permettez aux véroniques, mourons, cardamines, pâquerettes, liondents, brunelles et autres de fleurir puis de monter en graine. Vous obtenez ainsi une pelouse colorée? de violet, rouge, blanc, jaune qui attire insectes et oiseaux…

Une telle pelouse a sa place dans les zones les moins fréquentées, en périphérie de la pelouse rase, loin de votre salon de jardin et de votre hamac.

Brunelle sur pelouse non rase

La prairie fleurie

L’origine et le maintien des prairies sont dus à l’homme. Quand il s’est mis à déboiser pour la culture et l’élevage, l’homme a créé des milieux ouverts, le pâturage et le fauchage ont empêché la réinstallation naturelle du ligneux et donc ont permis à une végétation prairiale de se maintenir. La prairie est un milieu riche en espèces, sa composition varie en fonction de la nature du sol. Suite à l’exploitation agricole, ces milieux naturels ont aujourd’hui quasiment disparu ou ont été trop enrichi limitant de ce fait la diversité végétale au profit des plantes les plus performantes.

La mare

Les eaux peu profondes constituent une grande ressource pour la vie sauvage. Votre mare, plantée de massettes, de roseaux, d’iris attirera une foule d’animaux. Peut-être aurez-vous la plaisir de voir une libellule passer ou un héron venir se reposer avant de reprendre son chemin.

Mare artificielle (avec bâche) au bord d’un potager

Les bordures et parterres fleuris

Les plantes sauvages que vous y installerez n’auront rien à envier aux variétés horticoles. Annuelles?, bisannuelles ou vivaces?, de couleur rouge, jaune, blanche, bleue ou violette, l’effet esthétique est garanti. Mais, avant tout, ce sont des plantes locales qui ont un intérêt écologique. Parmi ces plantes, le cabaret des oiseaux (cardère), le bouillon blanc, l’épilobe en épi?, la mauve musquée, le silène enflé. Penser aussi aux floraisons automnales (asters, hélianthes, bulbes? d’automne, etc.) malheureusement peu locales (hors le lierre, très utile même si peu spectaculaire).

La centre botanique national de Bailleul propose des graines d’espèces sauvage, notamment : salsifis des prés, grande marguerite, vulnéraire, hélianthème jaune, petite pimprenelle, digitale pourpre, primevère officinale. Voir la page du CBNb, sur :
http://www.cbnbl.org/nos-services/article/Bibliotheque-de-graines-472

Les plantes grimpantes?

En habillant votre maison de plantes grimpantes, non seulement vous la protégerez des intempéries mais en plus vous offrirez gite et couvert aux merles, rouge-gorge? et autres oiseaux insectivores?. Vous leur permettrez, avec des plantes au feuillage persistant?, de passer l’hiver plus facilement.

La rocaille

C’est le milieu sec et pauvre par excellence qui est colonisé par des espèces végétales de petite taille en général, qui fleurissent abondamment et qui sont très fécondes. Un tel milieu peut être un muret, un talus calcaire, un ensemble de rochers disposés de façon naturelle, un mélange cailloux-terre végétale… Les plantes qui conviennent le mieux sont l’orpin âcre, l’orpin blanc, le thym et l’origan pour les aromatiques, le millepertuis perforé, la linaire cymbalaire dans les coins d’ombre, le géranium herbe à Robert, la chélidoine… La rocaille « alpine », elle, n’est pas un tas de terre avec un peu de cailloux pour décorer mais plutôt un tas de cailloux avec très peu de terre où les plantes doivent peiner à s’épanouir.

Le coin à herbe folle

Il est constitué de plantes dites pionnières qui apparaissent sur un sol dénudé, qui produisent beaucoup de graines et qui par leur croissance et leur capacité à émettre de nouvelles poussent à partir de leurs racines peuvent devenir envahissantes. Dans un jardin traditionnel, elles sont vos « mauvaises herbes » si indésirables. Cependant, elles vous attireront de nombreux insectes et oiseaux. Elles ont un rôle important dans le jardin naturel, c’est le cas notamment de l’ortie.

agrion porte-coupe sur rumex

Le sous-bois

Habitat d’ombre organisé en trois strates : la strate arborée (chêne, hêtre, bouleau…), la strate arbustive (cerisier à grappes?, viorne, cornouiller…) et la strate herbacée (jacinthe, anémone des bois, primevère…). Les arbres et arbustes sont plantés jeunes (2-3 ans d’âge), après quelques années, lorsqu’ils seront bien vigoureux, vous pourrez songer aux plantes grimpantes qui monteront le long des troncs (le lierre par exemple).

Petites astuces

Que vous ayez ou non un grand jardin, vous pouvez y améliorer la qualité de l’accueil de la vie sauvage avec des petites astuces : des nichoirs artificiels si vous ne disposez pas d’arbres creux (saule têtard par exemple), on distingue les nichoirs à oiseaux, les gites à chauve-souris, à insectes ; des mangeoires ; un point d’eau (bassine, cuvette…), à défaut d’une mare ; un tas de bois placé dans le sous-bois ou dans la prairie pour accueillir un oiseau comme le troglodyte ; un arbre? mort laissé sur pied s’il ne présente pas de problèmes de sécurité ; les pains de graisse, brochettes de cacahuètes pour nourrir les oiseaux lors d’hivers rudes? ; un muret végétalisé dont une pierre manquante à la base fournira un abri au hérisson. Vous pouvez aussi avoir la prudence de mettre une clochette sur vos chats (certes le chat n’aime pas cette clochette mais pas plus que l’oiseau n’aime être capturé par le chat).

Favorisez les végétaux régionaux

La vie animale d’une région donnée dépend des plantes locales.
L’adaptation au climat qui peut varier et aux maladies est plus facile pour les plantes locales à la génétique diversifiée et qui ont survécu aux changements climatiques passés.

Évitez l’emploi des pesticides

Le plan Écophyto 2018 prévoit de réduire, d’ici 2018, de moitié l’usage des produits phytosanitaires, et de retirer du marché certaines préparations contenant les 53 substances actives les plus préoccupantes, dont 30 sont déjà interdites.

Vous laisserez donc la nature faire son travail en lui permettant de trouver son équilibre. Vous pouvez toutefois utiliser les méthodes douces naturelles : lutte biologique (coccinelle…), purins et décoction végétales.

Biodiversité dans le bâti

Le bâti lui-même peut être un support de biodiversité : pensez aux oiseaux et autres animaux hébergés autrefois dans les greniers, étables, granges et fenils. Le label HQE (Haute Qualité Environnementale) du bâtiment qui proposait 14 cibles depuis 1996 a parfois été sollicité pour reconnaitre une 15e cible dédiée à la biodiversité. La réforme de son cadre de référence (5 principes, 4 engagements et 12 objectifs) en 2015 a donné pour objectif n° 6 (l’un des 3 objectifs de l’ « Engagement pour le respect de l’environnement ») : « Une prise en compte de la nature et de la biodiversité » [1].

Quelques liens web :

Claude Delattre

Ressources

— Le site du Conservatoire botanique national de Bailleul, http://www.cbnbl.org
— Plantons le décor : enrx.fr (commande de végétaux régionaux subventionnés. Vous aurez la garantie d’une origine locale et non clonale.
— Sur notre site, des listes d’espèces? régionales utilisables : sur la page « Nature (campagne) en ville ».

Notes

[1Dans le Cadre de Référence du Bâtiment Durable de l’Association HQE :

Objectif n° 6
Une prise en compte de la nature et de la biodiversité

Respecter l’environnement, c’est prendre en compte la nature qui nous entoure et la biodiversité qui nous est vitale. La planète est un tissu vivant sur lequel le bâtiment a un impact à l’échelle de la parcelle, du quartier mais aussi au niveau global.
La biodiversité traite des espèces (Homme, oiseaux, champignons, bactéries…) et des milieux qu’ils soient « ordinaires » ou « remarquables » et parfois protégés.
La diversité biologique est indispensable à la survie de l’Homme tant par son besoin de nature que par les services dont il profi te (production de nourriture, régulation du ruissellement, pollinisation…).

Exemples de thèmes couverts par cet objectif
Potentiel écologique : recouvre les notions de capacité et qualité écologiques.
La capacité correspond aux supports d’accueil de la biodiversité off ert par les surfaces au contact du vivant (toitures, façades, aménagements extérieurs et intérieurs…) et les équipements pour accueillir faune et flore (nichoirs, gîtes, ruches…). La qualité écologique dépend de la diversité des habitats, des strates végétales, des gênes, de la maturité des écosystèmes, de la rareté des espèces, qualité des sols… Le potentiel écologique concerne le site d’implantation du bâtiment ou les sites de productions des produits, équipements et services qu’ils consomment. Son amélioration doit permettre aux écosystèmes de bien fonctionner (bouclage des cycles, fonction refuge, reproduction, alimentation, production de biomasse…).
Continuité écologique : assurer la continuité des trames vertes et bleues, des corridors écologiques tant sur les sites de production que pour le bâtiment dont les formes, la volumétrie et les aménagements extérieurs peuvent limiter, voire éviter les effets de coupure ou de barrière …
Innocuité envers le vivant : limiter les sources de danger et nuisance sur les toitures, façades et aménagements extérieurs (étalement urbain, imperméabilité des sols, pollution lumineuse, collisions d’oiseaux sur les façades vitrées…), favoriser le développement de la biodiversité grâce à une gestion adaptée (réduction des traitements phytosanitaires, désherbage sélectif, utilisation d’amendements organiques, lutte biologique…), gestion des populations non désirées (moustiques, blattes…) afin de limiter leurs effets sur les occupants

Focus : La biodiversité lors du chantier
Protéger les espèces végétales et animales du site avec leur périmètre de vie (protection des arbres et de leurs racines, des couvées, des milieux de reproduction…), limiter le tassement du sol induit par le passage des engins et les zones de stockage à l’origine d’asphyxie et de destruction de la biodiversité souterraine, gérer les rejets (poussières, déchets de chantier et des cantonnements, eaux de lavage…) et les éventuelles pollutions (fuites d’hydrocarbures…).
Tenir compte — dans le planning du chantier — des périodes de vulnérabilité de la biodiversité à certaines périodes de l’année (reproduction, dormance des plantes,…). Être vigilant quant à l’éventuelle présence d’espèces invasives.